9

 

— Parlez-moi un peu de ce Boyce.

Karellen n’avait naturellement pas articulé ces mots et la pensée qu’il exprimait en réalité était beaucoup plus subtile. Une oreille humaine n’aurait perçu qu’une brève rafale de sonorités modulées qui n’auraient pas été sans ressembler quelque peu à un message en morse ultra-rapide. On avait enregistré quantité d’échantillons du langage des Suzerains, mais leur extrême complexité défiait l’analyse. La vitesse même de l’émission était telle qu’aucun interprète, eût-il maîtrisé tous les éléments de leur idiome, n’aurait assurément pu suivre une conversation normale.

Le Superviseur de la Terre, tournant le dos à Rashaverak, était debout, les yeux fixés sur le gouffre multicolore du Grand Canyon. À dix kilomètres de là, mais à peine estompées par la distance, ses parois en terrasses étaient écrasées de soleil. Un convoi de mulets avançait lentement dans les profondeurs de la vallée et Karellen s’étonnait que les êtres humains dans leur majorité adoptassent encore un comportement primitif chaque fois que l’occasion s’en présentait. On pouvait atteindre le lit du canyon en un clin d’œil et sans se fatiguer si on le voulait. Et pourtant, les Terriens préféraient cahoter le long de ces pistes qui étaient sans doute aussi périlleuses qu’elles le paraissaient.

Karellen fit un geste imperceptible. Le grandiose décor s’effaça. Il n’y avait plus, maintenant, sur l’écran qu’une étendue vide et indistincte d’une profondeur indéterminée. Le Superviseur était à nouveau en face des réalités de son bureau et de sa mission.

— Rupert Boyce est un personnage un peu singulier, répondit Rashaverak. Professionnellement parlant, il a la responsabilité de l’état de santé de la faune dans une importante section de la grande Réserve africaine. Il est très efficace et aime son travail. Comme il lui incombe de surveiller des milliers de kilomètres carrés de jungle, il est en possession de l’un des quinze traqueurs panoramiques que nous avons prêtés aux indigènes. Les mesures de sécurité habituelles ont été prises, bien entendu. J’ajoute que le modèle dont il dispose est le seul qui soit à la fois récepteur et émetteur. Il a fait valoir des arguments si solides que nous avons accepté sa requête.

— Lesquels ?

— Il voulait se montrer à différents animaux sauvages pour qu’ils s’habituent à le voir et ne l’attaquent pas quand il serait physiquement présent. Cela a donné d’excellents résultats pour les bêtes qui dépendent plus de la vue que de l’odorat – mais il finira probablement par se faire tuer un jour. Évidemment, il y avait aussi une autre raison pour que nous lui confiions l’appareil.

— C’était pour qu’il soit plus coopératif ?

— En effet. J’ai pris contact avec lui parce qu’il a une des plus riches bibliothèques du monde en ce qui concerne la parapsychologie et autres, sujets voisins. Il a refusé poliment mais fermement de me prêter un seul ouvrage de sorte que j’ai été contraint d’aller chez lui. J’ai déjà lu la moitié du fonds. Un supplice particulièrement pénible !

— Je vous crois sans peine, répliqua sèchement Karellen. Avez-vous trouvé quelque chose d’intéressant dans tout ce fatras ?

— Oui. Onze cas irréfutables de percée et vingt-sept probables. Malheureusement, le matériel est tellement hétéroclite que tout échantillonnage est impossible. En outre, les données sont inextricablement mêlées de mysticisme. Le mysticisme est peut-être l’aberration maîtresse de l’intelligence humaine.

— Et quelle est l’attitude de Boyce dans ce domaine ?

— Il prétend être sceptique et ne pas avoir d’idées préconçues mais il n’aurait évidemment pas consacré autant de temps et d’efforts à ce violon d’Ingres s’il ne croyait pas inconsciemment à la réalité de ces phénomènes. Je le lui ai fait observer et il a reconnu que j’avais sans doute raison. Il aimerait trouver une preuve convaincante. C’est pour cela qu’il poursuit ces expériences, même s’il fait mine de n’y voir qu’un amusement.

— Vous êtes certain qu’il ne soupçonne pas que votre curiosité n’est pas seulement académique ?

— Tout à fait. Par bien des côtés, Boyce est d’une jobardise et d’une naïveté remarquable, ce qui rend ses recherches dans ce domaine, précisément, presque attendrissantes. Il n’est pas nécessaire d’envisager une intervention.

— Je vois. Et la femme qui s’est évanouie ?

— C’est l’aspect le plus intéressant de toute l’affaire. Jean Morrel, c’est une quasi-certitude, a été le véhicule de l’information. Mais elle a vingt-six ans et est beaucoup trop âgée pour être elle-même un maillon clé de contact à en juger par toute notre expérience antérieure. Le maillon doit donc être quelqu’un qui lui est étroitement lié. La conclusion s’impose d’elle-même. Il ne nous reste plus beaucoup d’années à attendre. Il faut la transférer à la catégorie pourpre. Peut-être est-elle l’être humain le plus important de sa génération.

— J’y veillerai. Et le jeune homme qui a posé la question ? Est-ce une coïncidence et a-t-il agi par simple curiosité ou avait-il un autre motif ?

— Sa présence était due au hasard : sa sœur vient d’épouser Rupert Boyce. Il n’avait jamais vu les autres invités avant. Je suis persuadé qu’il n’avait pas prémédité de poser cette question, que ce sont les conditions inhabituelles du moment – et sans doute le fait que j’étais là – qui la lui ont inspirée. Compte tenu de ces facteurs, son comportement n’est guère surprenant. Il se passionne pour l’astronautique. Il est secrétaire du groupe de recherches sur le voyage dans l’espace de l’université du Cap et il est clair qu’il a l’intention de faire carrière dans cette discipline.

— Une carrière qui ne devrait pas manquer d’intérêt ! En attendant, quelle action pensez-vous qu’il entreprendra ? Et que devons-nous faire ?

— Sans aucun doute, il se livrera à quelques vérifications dès qu’il en aura la possibilité mais il n’aura aucun moyen de prouver l’authenticité de l’information et, en raison de la façon insolite avec laquelle elle lui est parvenue, il y a fort peu de chances qu’il la rende publique. Et à supposer qu’il le fasse, cela aura-t-il la moindre conséquence ?

— Je ferai évaluer les deux situations. Bien que notre Directive nous interdise de révéler les coordonnées de notre base, il est impossible d’utiliser ce renseignement contre nous.

— Je suis d’accord avec vous. Rodricks aura un renseignement dont la véracité est sujette à caution et qui ne présente aucune valeur sur le plan pratique.

— C’est ce qu’il semble, dit Karellen. Mais ne soyons pas trop catégoriques. Les êtres humains sont remarquablement ingénieux et souvent très tenaces. Il est dangereux de les sous-estimer et il conviendra de suivre la carrière de M. Rodricks. Il faut que je réfléchisse plus longuement à ce problème.

 

Rupert Boyce n’alla jamais vraiment au fond des choses. Après que ses hôtes eurent pris congé – avec moins de tapage que d’habitude –, il avait pensivement rangé la table dans son coin. La légère brume alcoolique qui voilait son cerveau l’empêchait d’analyser sérieusement l’incident et le souvenir même de ce qui s’était passé était déjà un peu brouillé dans sa mémoire. Il avait seulement le vague sentiment qu’il s’était produit quelque chose d’important qui lui échappait et il se demandait s’il ne devrait pas en parler avec Rashaverak. À la réflexion, il jugea que ce serait peut-être manquer de tact. Après tout, c’était son beau-frère qui était à l’origine de l’affaire et il lui en tenait plus ou moins rigueur. Mais était-ce la faute de Jan ? Était-ce la faute de quelqu’un ? Somme toute, c’était lui-même qui avait organisé l’expérience, se disait Rupert, et il se sentait un peu contrit. Mieux valait passer l’éponge. Il était préférable d’oublier tout ça. Et il l’oublia sans peine.

Peut-être aurait-il quand même fait quelque chose si l’on avait retrouvé la dernière page du carnet de Ruth mais elle avait disparu dans la confusion. Jan affirmait n’y être pour rien – et il était quand même délicat d’accuser Rashaverak. Et personne ne se rappelait exactement ce qui avait été dicté. On se rappelait seulement que cela n’avait aucun sens apparent.

George Greggson avait été le plus directement touché par l’événement. Il était incapable d’oublier la terreur qui s’était emparée de lui quand Jean s’était écroulée dans ses bras. D’un seul coup, la jeune femme inanimée avait cessé d’être l’agréable compagne d’un moment : une vague de tendresse et l’affection avait submergé George. Les femmes tombaient en pâmoison depuis des temps immémoriaux – sans que ce soit toujours prémédité, par ailleurs – et, invariablement les hommes se comportaient comme elles le désiraient. L’évanouissement de Jean avait été spontané, mais si elle l’avait mis en scène, elle n’aurait pas mieux réussi. George, ainsi qu’il devait s’en rendre compte plus tard, avait instantanément pris l’une des décisions les plus importantes de sa vie. Il avait compris que, en dépit de ses idées bizarres et des gens plus bizarres encore qu’elle fréquentait, Jean était sans conteste la seule femme qui comptait pour lui. Il n’avait pas l’intention de rompre totalement avec Noémie, ni avec Joy, ni avec Elsa, ni avec… comment s’appelait-elle donc ? Ah oui ! Denise ! Mais le moment était venu de se fixer de manière plus permanente. Et il ne doutait pas un instant que Jean serait d’accord car, dès le début, ses sentiments envers lui avaient été limpides.

Mais sa décision avait un autre moteur dont il n’avait pas conscience. L’expérience à laquelle il avait assisté tout à l’heure avait porté un coup sévère au mépris et au scepticisme qu’il professait à l’endroit des phénomènes qui excitaient tellement la curiosité de Jean. Il ne l’avouerait jamais, mais c’était un fait – et cela avait fait disparaître le dernier obstacle qui les séparait tous les deux.

Elle était allongée, pâle mais calme, sur le fauteuil à dossier rabattable de l’aérocar. Au-dessous de l’appareil, c’étaient les ténèbres, au-dessus brasillaient les étoiles. George ne savait pas où ils se trouvaient à mille kilomètres près et il s’en moquait. Ça, c’était l’affaire du robot qui les conduisait et qui ferait se poser l’aérocar chez eux dans cinquante-sept minutes, à en croire le tableau de bord.

Jean rendit son sourire à George et libéra doucement sa main de son étreinte.

— C’est seulement pour rétablir la circulation, s’excusa-t-elle en se frottant les doigts. Il faut que vous me croyiez. Je suis tout à fait remise, maintenant.

— Alors, qu’est-il arrivé ? Vous devez sûrement vous rappeler quelque chose ?

— Non. C’est le vide complet. J’ai entendu Jan formuler sa question et, l’instant d’après, tout le monde était en train de s’agiter et de s’occuper de moi. Il n’y a pas de problème, c’était une sorte de transe. Après tout…

Elle n’alla pas jusqu’au bout de sa pensée. Non, mieux valait ne pas avouer à George que ce genre de choses lui était déjà arrivé. Elle savait ce qu’il pensait de ces histoires et n’avait aucune envie de le bouleverser davantage – sinon de l’affoler.

— Après tout ? insista-t-il.

— Oh, rien ! Je me demande ce que le Suzerain a pensé de tout cela. Nous lui avons sans doute fourni plus de matériel d’étude qu’il n’en espérait. (Elle frissonna imperceptiblement et son regard se voila.) J’ai peur d’eux, George. Oh ! je ne veux pas dire qu’ils nourrissent de noirs desseins ni rien de tel. Je suis convaincue qu’ils ont les meilleures intentions du monde et qu’ils agissent au mieux de nos intérêts. Je me demande seulement quels sont au juste leurs projets.

George se tortilla, mal à l’aise.

— C’est la question que les hommes se posent depuis leur arrivée. Ils nous le diront quand nous serons prêts à entendre la vérité… et, franchement, je ne suis pas curieux. D’ailleurs, j’ai des choses plus importantes en tête. (Il serra les mains de Jean dans les siennes.) Si nous passions demain aux Archives pour signer un contrat de… disons de cinq ans ?

Elle le contempla d’un œil serein. Somme toute, le spectacle n’était pas déplaisant.

— Disons dix ans, laissa-t-elle tomber.

 

Jan laissait courir. Il n’était pas pressé et voulait réfléchir. On aurait presque dit qu’il répugnait à vérifier l’information comme s’il craignait que le fantastique espoir qui avait germé en lui ne soit trop rapidement réduit en miettes. Tant que l’incertitude demeurerait, il pourrait, au moins, rêver.

De plus, il lui était impossible d’agir sans consulter d’abord la documentaliste de l’observatoire. Elle le connaissait lui et ses centres d’intérêt, beaucoup trop bien pour ne pas être intriguée par sa requête. Ce serait probablement sans conséquence, mais il était bien décidé à ne rien laisser au hasard. D’ici une semaine, il y aurait une meilleure solution. Il se rendait compte que sa prudence était exagérée, mais cela ne faisait qu’ajouter du piment à l’entreprise. Un petit côté collégien… Enfin, il redoutait autant le ridicule que les obstacles que les Suzerains pourraient semer sous ses pas pour déjouer ses projets. S’il courait après son ombre, personne n’en saurait rien.

Il avait une excellente raison pour aller à Londres. Il y avait plusieurs semaines que tout était arrangé. Bien qu’il fût trop jeune et insuffisamment qualifié pour avoir un mandat de délégué, il faisait partie des trois étudiants qui avaient obtenu l’autorisation d’accompagner la délégation officielle attendue au congrès de l’Union astronomique internationale. Il y avait une place à prendre et il aurait été dommage de laisser passer l’occasion de revoir Londres où il n’avait pas remis les pieds depuis son enfance. Il savait que la plupart des communications ne l’intéresseraient guère, à supposer même qu’il puisse les comprendre. À l’instar de tous les congressistes, il écouterait les conférences susceptibles de le captiver et consacrerait le reste de son temps à discuter avec les gens qui partageaient ses enthousiasmes ou, tout simplement, à faire du tourisme.

Londres avait énormément changé en cinquante ans. La ville ne comptait plus guère que deux millions d’habitants et cent fois plus de machines. Ce n’était plus le grand port qu’elle avait naguère été, car chaque pays avait maintenant une production satisfaisant à peu près tous ses besoins de sorte que les structures des échanges internationaux n’étaient plus les mêmes. Il y avait encore des pays plus spécialisés dans la fabrication de tel ou tel type d’articles, mais ceux-ci étaient directement exportés par la voie des airs. Les routes commerciales d’antan qui convergeaient vers les grands ports maritimes et, plus tard, vers les grands aéroports, avaient éclaté pour devenir une sorte de toile d’araignée compliquée et uniforme dont le réseau enserrait le globe.

Pourtant, tout n’avait pas entièrement changé. Londres était toujours un centre administratif, artistique et culturel. Dans ce domaine, aucune capitale du continent, pas même Paris, n’en déplaise à ceux qui prétendaient le contraire, ne pouvait rivaliser avec elle. Un Londonien du siècle précédent aurait encore trouvé son chemin sans difficultés, au moins dans le centre. De nouveaux ponts enjambaient la Tamise, mais à l’emplacement des anciens. Les grandes gares aux façades encrassées, exilées en banlieue, avaient disparu, elles aussi, mais la Chambre des Lords et les Communes étaient toujours fidèles au poste. Nelson contemplait toujours Whitehall dans son œil unique, le dôme de St Paul se dressait toujours en haut de Ludgate Hill, même si des édifices plus élevés lui disputaient à présent la primauté. Et les soldats montaient toujours la garde devant le palais de Buckingham.

Tout cela pouvait attendre, se disait Jan. C’étaient les vacances et il logeait avec ses deux condisciples dans un foyer universitaire. Bloomsbury avait conservé son ancien visage : c’était, comme au siècle passé, un îlot d’auberges et de pensions de famille qui, néanmoins, ne se télescopaient pas comme dans le temps et ne dessinaient plus d’interminables alignements de bâtisses interchangeables aux murs de brique enfumés.

L’occasion attendue ne se présenta que le lendemain de l’ouverture du congrès. Les principales communications étaient présentées dans la grande salle du Palais des Sciences, à deux pas du Concert Hall qui avait tant contribué à faire de Londres la métropole mondiale de la musique. Le jeune homme avait l’intention d’assister aux séances inaugurales car, selon les bruits qui couraient, les orateurs inscrits devaient entièrement démanteler les théories actuellement en vigueur sur la formation des planètes.

Peut-être les démantelèrent-ils, mais Jan, pour sa part, n’était pas plus avancé quand, après l’interruption de séance, il quitta la salle pour consulter le tableau indicateur afin de localiser les bureaux qu’il cherchait.

Un fonctionnaire qui ne manquait pas d’humour avait affecté le dernier étage de la tour à la Société royale d’Astronomie, ce dont se félicitaient les membres du Conseil car ils avaient ainsi une vue admirable sur la Tamise et tous les quartiers nord-est de la ville. L’endroit paraissait désert mais Jan, qui brandissait sa carte officielle à la manière d’un passeport pour le cas où quelqu’un lui poserait des questions, trouva sans peine la bibliothèque.

Il ne lui fallut pas loin d’une heure pour découvrir les grands catalogues stellaires et apprendre à se débrouiller dans le fatras de leurs innombrables rubriques. Il tremblait un peu en approchant du terme de sa quête et était bien content qu’il n’y eût personne aux alentours car sa nervosité aurait été remarquée.

Il remit le catalogue à sa place et resta longtemps immobile, regardant sans la voir la muraille de volumes qui s’étendait devant ses yeux. Enfin, il sortit, enfila les couloirs silencieux, passa devant le secrétariat – où quelqu’un s’affairait, maintenant, à déballer des colis de livres – et redescendit. Il prit l’escalier au lieu de l’ascenseur car il n’avait pas envie d’être enfermé dans la cabine. Il avait eu l’intention d’assister à une autre conférence mais, à présent, cela ne l’intéressait plus.

Un vent de tempête continuait de souffler dans son crâne quand, s’approchant de la berge, il laissa errer son regard sur la Tamise dont le flot paresseux glissait vers la mer. Il était difficile pour un garçon ayant la formation scientifique orthodoxe qui était la sienne de s’incliner devant la preuve qu’il détenait dorénavant. Il n’aurait jamais la certitude absolue de sa véracité mais les présomptions étaient écrasantes. Tout en suivant le bord du fleuve à pas lents, il passa les faits en revue.

Premier fait : Aucune des personnes présentes chez Rupert lors de la soirée n’avait pu savoir qu’il poserait cette question-là. Lui-même ne le savait pas d’avance. Ç’avait été une réaction spontanée dictée par les circonstances. Donc, personne n’avait pu préparer de réponse, personne n’avait pu avoir cette réponse toute prête dans la tête.

Second fait : « NGS 549672 » ne signifiait sans doute rien pour quiconque n’était pas astronome. Bien que le grand recensement géographique national eût été achevé un demi-siècle auparavant, seuls quelques milliers de spécialistes étaient au courant de son existence. Quelqu’un qui y choisirait un nombre au hasard serait dans l’incapacité de dire en quel point du ciel se trouvait l’étoile correspondante.

Mais – et c’était le troisième fait qu’il découvrait soudain – la petite étoile insignifiante baptisée NGS 549672 était précisément située au bon endroit, au cœur de la constellation de Carina, à l’extrémité du lumineux sillage que Jan avait vu quelques nuits plus tôt quitter le système solaire pour s’enfoncer dans les abîmes de l’espace.

Une coïncidence ? C’était invraisemblable. NGS 549672 ne pouvait pas ne pas être la patrie des Suzerains. Cependant, accepter cette thèse, c’était violer tous les principes de la méthode scientifique auxquels Jan était indéfectiblement attaché. Eh bien soit ! Violons les principes ! Acceptons comme un fait que la fantastique expérience de Rupert ait d’une façon ou d’une autre établi un contact avec une source de connaissances jusque-là insoupçonnée !

Rashaverak ? C’était, semblait-il, l’explication la plus probable. Le Suzerain s’était trouvé en dehors du cercle mais ce n’était là qu’un détail secondaire. D’ailleurs, ce n’était pas le mécanisme paraphysique qui intéressait Jan, mais seulement l’exploitation du résultat obtenu.

On savait fort peu de chose sur NGS 549672 que rien ne distinguait d’un million d’autres étoiles. Le catalogue indiquait toutefois sa magnitude, ses coordonnées et les caractéristiques de son spectre. Il suffirait de se documenter un peu et d’effectuer quelques calculs élémentaires pour savoir, de manière au moins approximative, à quelle distance de la Terre orbitait la planète des Suzerains.

Un sourire se forma lentement sur les lèvres du jeune homme quand, tournant le dos à la Tamise, il balaya du regard la blanche et étincelante façade du Palais des Sciences. Savoir, c’est pouvoir – et il était le seul homme sur Terre à savoir d’où les Suzerains étaient originaires. Quel usage ferait-il de ce savoir, il l’ignorait. Il resterait enfoui à l’abri dans son cerveau en attendant que l’heure sonne à l’horloge du destin.

Les enfants d'Icare
titlepage.xhtml
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_022.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_023.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_024.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_025.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_026.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_027.html
Clarke,Arthur C.-Les enfants d'Icare(Childhood's end)(1954).French.ebook.AlexandriZ_split_028.html